Droit & Jurisprudence

N°618 Mai - Juin 2024

Associations en psychiatrie – Une atypie juridique des établissements de santé mentale

L’organisation hospitalière de l’activité psychiatrique est à bien des égards particulière par rapport à d’autres activités de soins : coexistence de soins libres et sous contrainte, organisation sectorielle, possibilité de mise en oeuvre par des établissements spécialisés… Le Code de la santé publique (CSP) ne s’arrête pas là et reconnaît, dans le quotidien de ces structures, des modes de fonctionnement spécifiques, y compris au plus près de la prise en charge des patients. La place des associations en psychiatrie fait partie de ces dispositifs « atypiques ». Atypiques, d’accord. Mais sécurisés ? Le point sur une disposition légale à la fois méconnue et répandue.

Brigitte de Lard-Huchet Directrice du Centre de droit JuriSanté, CNEH


14/06/24

Les associations en psychiatrie : acteurs ou partenaires du soin ?

Il s’agit d’une disposition ancienne du Code de la santé publique, nichée dans le chapitre relatif à la politique de santé mentale et l’organisation de la psychiatrie. L’article L.3221-4-1 A CSP dispose que :
« L’établissement peut conclure avec une association de soins, de prévention, de réadaptation et de réhabilitation une convention pour la mise en oeuvre d’une démarche thérapeutique qu’elle définit. » Ce dispositif existe depuis 2003 et permet de favoriser l’accompagnement thérapeutique, social et de réinsertion indispensable aux patients atteints de troubles mentaux. Il y est fréquemment recouru dans les établissements publics de santé mentale. La loi autorise ainsi une association à intervenir dans la prise en charge thérapeutique de patients d’un établissement ou d’un service psychiatrique. Cette possibilité n’est reconnue aux associations que dans le domaine de la santé mentale et n’existe nulle part dans le domaine des soins somatiques, en court, moyen ou long séjours.

Les termes de la loi sont pour autant ambigus. « Convention pour la mise en oeuvre d’une démarche thérapeutique » : l’association est-elle au contact direct des patients ? de leurs familles ? des professionnels ? Est-elle physiquement basée dans les services d’hospitalisation ou d’accompagnement ? Dans quelle mesure cette démarche thérapeutique est-elle définie en cohérence avec le projet médical du service ou de l’établissement ? Le premier enjeu juridique de ce texte consiste justement à définir ce qui ne relève pas d’une appréhension juridique, à Brigitte de Lard-Huchet Directrice du Centre de droit JuriSanté, CNEH savoir la place de cette association dans la stratégie médicale de l’établissement.

Car le patient, lui, ne reconnaît qu’un interlocuteur pour sa prise en charge : l’établissement qui l’accueille. L’association n’est à cet égard qu’un partenaire de l’hôpital, venant en soutien d’une démarche thérapeutique globale. Sur le plan juridique, l’association est donc davantage associée à l’action de l’établissement psychiatrique, qu’un acteur du soin à proprement parler. La convention qui sera conclue entre l’établissement et l’association devra veiller à la conformité de la démarche projetée par l’association avec le projet et les protocoles de prise en charge du service dans lequel l’association intervient.

Cela passe notamment par une compatibilité de l’action associative, traduite dans ses statuts, avec les principes du service public hospitalier. Il serait par exemple mal venu qu’une association défende une démarche de soins psychiatriques qui n’a plus cours à l’hôpital ou ne correspond plus aux standards de prise en charge reconnus au niveau national…

La loi en tient compte, en introduisant l’exigence d’un « contrôle médical » sur l’intervention de l’association. Précaution bienvenue, qui se traduira par un descriptif des modalités de cette supervision médicale dans la convention.


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