L’intentionnalité, pilier de la loi Leonetti
En 2005, la loi Leonetti 3 reprend ce concept essentiel et pose pour la première fois un cadre législatif sur la fin de vie en France, avec deux avancées majeures : l’interdiction de l’obstination déraisonnable et la possibilité de rédiger des directives anticipées. Une limitation ou un arrêt des traitements deviennent possibles « lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Le point clé de cette loi est l’intentionnalité : l’objectif de la limitation ou de l’arrêt du traitement est de soulager le patient, et non pas mettre fin à ses jours.
La loi Claeys-Leonetti, collégialité, transparence et traçabilité
Cette notion fondamentale de qualité de la mort est reprise dès les premières lignes de la loi Claeys- Leonetti 4 onze ans plus tard : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. » Cette nouvelle loi introduit la notion de sédation profonde et continue jusqu’au décès, et renforce le rôle de la personne de confiance des directives anticipées. Ainsi, alors qu’en 2005 les directives anticipées ne sont valables que trois ans et ont seulement une valeur d’information, désormais, depuis la loi de 2016, elles ne sont plus limitées dans le temps, s’imposent aux médecins et l’emportent sur l’avis de la famille.
À tout moment révocables, elles peuvent être indiquées dans le dossier médical partagé (Mon espace santé) de chaque patient 5. Le rôle de la personne de confiance est ici primordial : consultée en priorité, elle est le porte-parole du patient et peut accéder à son dossier médical. Il n’existe que deux situations où les médecins peuvent « passer outre » les directives anticipées : en cas d’urgence et lorsqu’elles sont manifestement inappropriées. Dans tous les cas, une approche collégiale, transparente et traçable est indispensable. Enfin, la loi Claeys-Leonetti pointe la nécessité de développer les soins palliatifs, à la fois en termes de structures et de formation.
Des pratiques encore hétérogènes
Aujourd’hui, en France, les pratiques autour de l’accompagnement de la fin de vie restent très différentes d’un centre à l’autre, d’une région à l’autre, avec un pourcentage d’admission en réanimation des patients âgés pouvant varier de 1 à 4. Seuls 300 000 Français ont rempli leurs directives anticipées et déclaré une personne de confiance. En cause, un manque d’information et des documents à remplir assez longs, difficiles à renseigner, pointant la nécessité d’un accompagnement par les professionnels de santé. À l’avenir, ces directives nécessiteront probablement d’être revisités avec une notion d’objectif plus que de moyens : qu’est-ce qui fait sens pour vous ? En termes de qualité de vie, qu’est-ce que vous êtes capable d’accepter, de refuser ? Cette hétérogénéité se retrouve également en Europe, avec un gradient nord-sud des décisions de limitation ou d’arrêt de traitement 6. Ces données suggèrent que des éléments culturels ou religieux interfèrent avec les décisions et les pratiques 7. Face à cette diversité, la Société européenne de réanimation a publié récemment des recommandations pour la prise en charge des personnes de plus de 80 ans en soins critiques 8.
Les attentes des Français
Entre 2022 et 2023, la Convention citoyenne sur la fin de vie organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rassemblé 184 citoyennes et citoyens tirés au sort, illustrant la diversité de la société française 9. Plus de 75 % des votants se sont positionnés en faveur d’une évolution de la loi incluant une aide active à mourir, pour mettre fin aux limites de la sédation profonde et continue. Si aujourd’hui la plupart des décès ont lieu à l’hôpital, et en particulier en service de réanimation, la volonté de décéder à son domicile entouré de ses proches est de plus en plus exprimée 10. Mais c’est aujourd’hui le plus souvent impossible, même si l’HAD palliative se développe progressivement. La réflexion initiée par ce débat national lancé par le président de la République en 2022 se poursuit à travers deux propositions de loi actuellement débattues.
La proposition de loi relative à la fin de vie
Portée par Olivier Falorni, cette proposition vise à établir un cadre législatif pour l’accès à l’aide à mourir en France, dans des conditions strictement encadrées, afin de prévenir le risque de dérives. Deux situations sont exclues : la pédiatrie et les troubles neurocognitifs majeurs.
La proposition de loi relative aux soins palliatifs et à l’accompagnement
Porté par la députée Annie Vidal, ce texte a pour objectif d’assurer une prise en charge globale des patients pour préserver leur dignité, leur qualité de vie et leur bien-être, et insiste beaucoup sur la notion de « culture palliative », les soins palliatifs concernant toutes les spécialités. Le projet prévoit le développement territorial des unités mobiles de soins palliatifs et de l’HAD palliative, ainsi que des « maisons d’accompagnement » ou « maisons de vie » pour prendre en charge des personnes qui ne peuvent plus rester chez elles mais n’ont pas besoin de beaucoup de soins.
Cette analyse met en évidence la continuité de la dynamique sociétale initiée dans les années 2000 avec la loi Kouchner. Le rapport du citoyen à sa vie et a sa mort évolue, dans une approche autonomiste plutôt que paternaliste.