Droit & Jurisprudence

N°625 Juillet - Août 2025

Panorama de jurisprudence

En cas de mise à disposition d’un agent, la protection fonctionnelle due à celui-ci relève de l’établissement dans lequel il exerce ses fonctions.

Tribunal administratif de Grenoble, 18 mars 2025, n° 2204408

Dans le cadre d’une convention de mise à disposition, un infirmier, titulaire au sein d’un établissement de santé, exerce ses fonctions au sein d’un établissement de santé mentale. Le jour même de son entrée en fonction au sein de l’établissement spécialisé, il est victime d’une agression de la part d’un patient. Il est indemnisé de ses préjudices par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions. Ce dernier exerce alors un recours contre le centre hospitalier dont l’agent était titulaire.

Ce recours est fondé, d’une part sur les dispositions de l’article 706-11 du Code de procédure pénale, qui subroge le Fonds dans les droits de la victime pour obtenir le remboursement des sommes versées des personnes responsables du dommage causé par l’infraction, « ou tenues à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle », et d’autre part, sur les articles L 134-1 et suivants du Code général de la fonction publique (CGFP), qui font obligation à toute collectivité publique, dans le cadre de la protection fonctionnelle, d’assurer à l’agent qu’elle emploie la réparation du préjudice subi notamment à l’occasion d’une atteinte à l’intégrité physique (art. L.134-5 CGFP). Le recours du Fonds est rejeté par le tribunal administratif. Celui-ci estime qu’en application de la convention de mise à disposition dont bénéficie l’agent, le centre hospitalier ne peut être regardé « comme la collectivité publique qui l’emploie » au sens des dispositions de l’article L. 134-1 du CGFP. Il est à noter que cette solution reprend la position préconisée par la circulaire du 05/05/2008 sur la protection fonctionnelle des agents publics de l’État.

Patrick Flavin Directeur juridique Relyens


21/07/25

Prise en charge d’un patient avec une maladie rare : quelles obligations pour l’établissement de santé ?

Tribunal administratif de Lyon, 24 juin 2025, n° 2209248

Un patient, porteur d’un déficit d’origine héréditaire d’une protéine inhibitrice de l’enzyme C1, dite « C1-inhibiteur (INH) », qui est une composante du système immunitaire, connu depuis 2009 et l’exposant à des risques d’angio-oedème bradykiniques, se présente à 13 h aux urgences d’un centre hospitalier, avec une importante symptomatologie douloureuse pharyngée. À la suite d’un examen clinique, et après avoir recueilli un avis téléphonique d’un médecin du Centre national de référence des angiooedèmes (CREAK), le diagnostic de pharyngite est posé et le patient est invité à rentrer chez lui vers 14 h. Le patient revient aux urgences à 15 h en raison d’une dyspnée respiratoire accrue avec des difficultés à avaler sa salive et présente cinq minutes plus tard un arrêt cardio-respiratoire d’origine hypoxique. Compte tenu de son état laryngé, l’intubation du patient est difficile. L’état du patient s’améliore quelque peu après l’injection de Firazyr qui a été commandé auprès de la pharmacie du CHU voisin. Toutefois, le patient décédera par la suite. Sa famille met en cause la responsabilité de l’établissement.

Le tribunal estime tout d’abord que, contrairement à ce qu’ont affirmé les experts, la seule circonstance que le patient ait déjà été hospitalisé une première fois en urgence dix ans auparavant au centre hospitalier pour un angio-oedème de la luette « n’entraîne aucune obligation pour le service des urgences de l’établissement de santé d’organiser le suivi médical spécifique de sa maladie héréditaire, ni de prévoir, depuis cette date, une réserve particulière et continuellement renouvelée de Firazyr, premier médicament indiqué dans le traitement symptomatique des crises aiguës d’angio-oedèmes héréditaires, ni de Berinert, médicament inhibiteur de la C1 alors qu’il résulte du même rapport d’expertise que les hôpitaux ne sont pas obligés d’avoir ces traitements à disposition dans leur pharmacie à usage intérieur ».

En revanche, concernant les conditions de prise en charge du patient, le tribunal relève que celui-ci présentait déjà lors de sa première admission aux urgences des signes respiratoires et des difficultés à avaler, qu’il avait informé le médecin urgentiste de sa pathologie héréditaire et que la littérature médicale indique qu’une infection pharyngée est un facteur déclenchant d’angio-oedèmes dans 38 % des cas pour les patients atteints d’un déficit en C1-INH, qui peuvent survenir de manière fulgurante, ce qui implique l’administration préventive du traitement adéquat au regard de la balance bénéfice-risque et de l’évolution imprévisible de l’état de santé du patient. Dès lors, pour le tribunal, le seul diagnostic de pharyngite devait en lui-même alerter le médecin sur les dangers présentés par le patient au regard de sa pathologie et conduire à l’administration du Firazyr, sans même attendre le diagnostic du CREAK.

À ce titre, le tribunal estime que le fait que le médecin de garde du CREAK ait considéré qu’il ne s’agissait pas d’une crise d’angio-oedème bradykynique et n’ait pas préconisé l’injection préventive du traitement n’est pas de nature à exonérer l’établissement de sa responsabilité. Il en est de même du fait que le patient ne faisait pas l’objet d’un suivi médical particulier, ne possédait pas de carte le référençant au CREAK, ni de trousse de secours contenant du Firazyr et un médicament inhibiteur de la C1, comme sont censés en disposer les patients atteints par ce déficit.


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