Penser par cas – Du soin dans l’architecture expérimentale

«Il n’y a certainement pas un terrain plus mauvais dans tout Paris. Terrain poubelle, vaste dépotoir des opérations successives qui ont marqué ce secteur. Jusqu’à 22 mètres de remblais ! Et le tout sur des carrières de glaise ! ¹ » C’est ainsi que s’exclame l’architecte Pierre Riboulet dans son journal de travail lorsqu’il découvre, en mai 1980, le terrain sur lequel il va devoir bâtir ce qui deviendra l’hôpital Robert-Debré. Comment faire avec l’existant quand celui-ci est ingrat, désaffecté, délaissé, pollué ? Tel est l’enjeu de Naissance d’un hôpital, titre de ce précieux journal qui dessine une manière scrupuleuse de faire de l’architecture comme un « art de composer ». Le dessein de Riboulet est ambitieux, qui veut construire des espaces « en plus » – un jardin d’hiver, une galerie publique qui estompe le seuil entre l’extérieur et l’intérieur – de larges couloirs et une longue façade afin que la lumière du jour éclaire tous les postes de travail. « L’hôpital est un lieu si dur à vivre, surtout pour un enfant, qu’il faut tout faire pour que ce lieu dépasse sa fonction et dise autre chose, pour qu’on s’y sente différent, soutenu par une force et une signification supérieures ² », écrit Riboulet à la fin de son journal, prônant ainsi une architecture tout à la fois élevée et contenante ³.

Sa méthode ? – qui n’est donc pas un système mais plutôt une expérimentation, un incessant bricolage : composer. « C’est organiser le chaos, combiner, structurer la complexité des choses ; c’est enfin “composer avec”, sans trop craindre le compromis, s’accommoder […] avec les nécessités. ⁴ » Cette « agrégation lente d’objets divers ⁵ » consiste à remettre ensemble, dans le processus architectural, ce que la spécialisation des tâches a progressivement dissocié.